L’Etat africain et la crise postcoloniale, un livre sur les 60 ans de l’Etat en Afrique


Joël BARAKA AKILIMALI, chercheur et enseignant à l’ISDR-Bukavu co-dirige avec Trésor MAKUNYA un livre sur les 60 ans de l’Etat en Afrique

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Description

« L’Etat africain et la crise postcoloniale. Repenser 60 ans d’alternance institutionnelle et idéologique sans alternative socioéconomique », tel est le titre du livre publié en Avril 2021 aux éditions L’Harmattan. Il s’agit d’un livre publié sous la direction conjointe de Joël BARAKA AKILIMALI, enseignant et chercheur à l’ISDR Bukavu et Trésor MAKUNYA MUHINDO, enseignant et chargé de publication au Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria. Cet important ouvrage de 520 pages a été préfacé par le professeur sénégalais BABACAR KANTÉ, Doyen honoraire de l’UFR des Sciences juridiques et politiques de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et professeur visiteur à l’Université d’Aix Marseille.

Avec 18 contributions de chercheurs de plusieurs nationalités notamment des congolais essentiellement mais aussi des sénégalais, guinéens et burundais ; l’ouvrage comprend 3 parties.

La première partite est intitulée : « L’ETAT AFRICAIN ET LA CRISE POLITIQUE ET IDÉOLOGIQUE DE SA FORMATION À SES TRANSFORMATIONS ». Cette partie gravite autour de la crise politique et idéologique particulièrement sur la transformation de l’Etat africain. Il mobilise six contributions. Les auteurs y reviennent sur la crise de l’État en tant qu’énoncé performatif et les ambivalences résultant de sa composante territoriale (Chapitre 1), l’extraversion normative en matière constitutionnelle des États africains francophones à partir de l’exemple guinéen (Chapitre 2), les liens entre la démocratie et la taille du gouvernement en Afrique (Chapitre 3) et la gouvernance philanthropique comme stratégie de mobilisation politique (Chapitre 4). Alors que le Chapitre 4 évalue la stratégie de communication du gouvernement congolais durant ses 60 ans d’existence souveraine, le Chapitre 5 questionne la validité juridique et les implications pratiques des accords politiques comme mode de règlement extraconstitutionnel de plusieurs crises en RDC.

La deuxième partie est intitulée : « L’ETAT AFRICAIN ET LA CRISE DES INSTITUTIONS SOCIOCULTURELLES EN MATIERE DE NORMATIVITÉ ET DE PAIX SOCIALE ». Cette partie analyse la question des institutions socioculturelles, la fabrique du droit et des droits de l’homme et la politique mémorielle et culturelle. Dans les sept contributions qu’il comporte, les auteurs reviennent, tour à tour, sur la trajectoire sociale, économique et politique face aux défis de justice en Afrique du Sud (Chapitre 7), le rôle normatif d’Ubuntu comme philosophie politique et sociale d’organisation de l’État en RDC (Chapitre 8), la performance de l’État dans la facilitation de la participation politique des femmes (Chapitre 11), les méandres de la suppression des tribunaux coutumiers à l’aune de la nécessité d’une justice sensible aux contextes locaux (Chapitre 9) ainsi que les péchés originels du Droit en Afrique et l’importance de repenser sa philosophie, du moins, sa matrice référentielle (Chapitre 10). Deux autres contributions posent le problème lié, l’une sur la restitution des biens culturels africains que les puissances colonisatrices ont dépouillé le continent et l’insouciance des nombreux africains vis-à-vis d’eux (Chapitre 12) et l’autre, sur la nécessité d’une culture politique mémorielle (Chapitre 13). 

La troisième partie qui s’intitule : « L’ETAT AFRICAIN ET LA CRISE DE L’ORDRE ECONOMIQUE : GOUVERNANCE DES RESSOURCES NATURELLES ET VIOLENCE SYMBOLIQUE » interroge l’ordre économique qui sous-tend l’Etat africain, de la gouvernance des ressources naturelles à la domination symbolique. Les auteurs examinent ainsi les innovations étatiques en matière de règlementation minière en Afrique dans une perspective de contribution au développement communautaire (Chapitre 14), l’exploitation illicite des ressources naturelles et ses dérives dans la consolidation de l’Etat en RDC (Chapitre 15) et l’épineuse question d’accaparement des terres comme stratégie néolibérale de dépossession des populations locales de leur terre et identité (Chapitre 18). Dans une contribution, un auteur examine le mode capitaliste de production dans les États africains et propose la réinvention de la notion du travail et du salaire pour conjurer les affres de l’État capitaliste (Chapitre 16) alors qu’un autre trouve qu’il est temps que la RDC repense son mode de financement des élections pour assurer son développement économique et protéger sa souveraineté internationale chèrement acquise (Chapitre 17).

Il se dessine deux tendances centrales à la lecture de toutes les contributions contenues dans cet ouvrage. D’une part, 60 ans après son indépendance, l’État en Afrique continue de faire face à certains déficits ne lui permettant pas de remplir notamment son rôle social et économique. Ces déficits sont de divers ordres. Ils comprennent un déficit du droit, de la quasi-absence d’un constitutionalisme sensible à son contexte et ses problèmes, de la persistance des pratiques de patrimonialisation de l’État, de désacralisation de l’édifice constitutionnel et juridique de l’Etat, du déficit des politiques culturelles adéquates et des contre-pouvoirs démocratiques. Les auteurs en donnent une élaboration approfondie s’agissant des causes de leur persistance et en esquissent quelques voies de sortie. D’autre part, malgré que le problème de déficits de l’État africain se pose avec acuité, il y a des preuves de résistance et de résilience ayant conduit à certaines innovations/déconstructions et propositions théoriques et empiriques.

Dans la foulée, les auteurs requestionnent l’État africain de type capitaliste et néolibéral. Ils proposent, comme une voie de sortie, entre autres la prise en compte des philosophies propres à l’Afrique, l’Ubuntu et la bisoïté/le bisoïsme sous l’angle politique et juridique. L’enjeu ultime de l’ouvrage est l’émergence d’un Etat africain promoteur des normativités enracinées culturellement et des politiques publiques conduisant vers une réelle alternative face à la crise socioéconomique, à la fois en contexte post-colonial et en épistémologie postcoloniale.